Entretien avec Julian Jappert, DG du Think Tank européen Sport et Citoyenneté.

Temps de lecture 8 minutes

Aujourd’hui, le sport tient une place particulière dans nos habitudes de vie. Il fait partie de ce qu’on appelle le « Heathly way of life* ». L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) préconise de faire 2h30 de sport par semaine. Cependant, ce n’est pas toujours évident de pouvoir y consacrer du temps dans nos vies débordées. Nous avons rencontré Julian Jappert, directeur général du Think Tank européen Sport et Citoyenneté et auteur du livre « Le Pouvoir du sport » afin de comprendre comment les entreprises peuvent être porteuses et parties prenantes de cette lutte contre la sédentarité, tout en bénéficiant des résultats du sport dans leur activité.

Dans le livre « Le pouvoir du sport » que vous avez écrit avec Marie-Cécile Naves, l’impact du sport est évoqué lorsque l’on parle de gain de productivité et de baisse d’absentéisme. Pourquoi et comment cela a été mesuré ?

La sédentarité est un véritable fléau dans notre société. Nous le savons, bouger, être actif, a des bénéfices : être mieux dans son corps, mieux dans sa tête. Tout cela apporte un véritable bien-être tant pour l’être humain personnellement que, a fortiori, pour le salarié. Un salarié heureux, serein dans son corps et dans sa tête est un salarié davantage impliqué dans son travail, moins distrait, moins absent et plus productif. Une étude menée en 2015 par Goodwill-Management** montre que les entreprises qui proposent une activité sportive à ses salariés augmente sa productivité entre 6 et 9 %, améliore sa rentabilité entre 4 et 14 % et observe une baisse de l’absentéisme.

Donner les possibilités de bouger aux membres de son entreprise, c’est un véritable engagement mais aussi une stratégie managériale importante. En effet, le sport, par nature, appelle à la collectivité, c’est un atout indéniable lorsque l’on veut fédérer ses équipes.

Le sport est-il envisageable pour toutes et tous ? Et dans quelles conditions ?

Le sport est un droit, sans conditions sociales, sans jugement, sans interdits raciaux ou de genre. Le sport permet une inclusion formidable. Amener le sport dans l’entreprise, aujourd’hui, c’est s’adresser à toutes et tous, et pas seulement aux sportifs déjà plus que convaincus. La sédentarité, nous le savons, joue un rôle sur les maladies cardio-vasculaires, certains cancers et même sur les troubles psychiques. Les femmes sont les plus touchées par la sédentarité. Si l’entreprise permet cette pratique du sport alors la société tout entière gagne un combat. Bien évidemment, il faut adapter l’offre des sports à la population de l’entreprise. Proposer un marathon à une personne qui ne pratique aucun sport n’a aucune logique. Il est important pour l’entreprise, dans sa démarche d’inclusion par le sport, d’envisager une offre diverse et variée pour que toutes les cibles puissent y trouver leur bonheur.

Comment pourrait-on impliquer davantage les entreprises à intégrer le sport dans ses priorités ? Les entreprises ne manquent-elles pas d’infrastructures ? Comment dégager du temps pour le sport dans nos journées de travail ?

Toutes les activités sont envisageables et certaines ne demandent pas d’infrastructures particulières. Les entreprises peuvent proposer des activités simples et très en vogue comme le running ou la marche, par exemple. Il est possible aussi de trouver des cours de yoga ou de Taï Chi, ou faire simplement des étirements. Ces quelques idées sont basiques mais essentielles pour sortir de la sédentarité.

Il est bien évident que toutes les infrastructures ne disposent pas de douche, lorsque l’on veut faire du sport sur la pause déjeuner. Sport et Citoyenneté se positionne pour la création d’une déduction fiscale lorsque les entreprises investissent dans ce genre de travaux. Il faut que cet effort des entreprises soit accompagné fiscalement.

La rentabilité des entreprises dans ce genre d’investissement (douches, accès aux sports) est positive. Comme je le disais précédemment, cela permet d’augmenter la productivité. Si on prend l’exemple de la mairie de Poissy, en région parisienne, il a été proposé aux salariés, dans le cadre du programme « Poissy bien-être », de disposer de 2 h de sport par semaine, trajets compris, à caler sur leurs horaires de travail. Outre l’aspect, mieux-être physique, la cohésion d’équipe a été renforcée et les arrêts maladie ont chuté de 30 % depuis la mise en place du programme.

Si libérer une heure pour la pratique d’un sport permet au salarié d’être plus efficace sur le reste de sa journée, alors l’investissement est rentable.

Le sport est-il un aspect intégrable dans une démarche RSE ?

Tout d’abord, il faut savoir que le sport est le premier lieu de bénévolat en France. C’est un vivier de citoyenneté et d’engagement. Le sport est un aspect sociétal très influent notamment sur le comportement de la population. Le sportif est souvent mis sur un piédestal en tant que modèle de société. Les pays sont souvent mis à l’honneur par leurs exploits sportifs. Les sportifs représentent leur pays.

Le sport en entreprise fonctionne de la même manière. C’est typiquement l’image de marque qui est travaillée. Le sport amène un bien-être aux salariés, de l’inclusion et un développement économique vertueux grâce au gain de productivité. Ces trois points sont essentiels à une démarche RSE. Les meilleurs relais d’une entreprise sont les salariés, s’ils sont heureux alors l’image de marque de l’entreprise sera positive.

Les compétitions inter-entreprises ont-elles un effet boost pour favoriser le sport pour tous ?

Bien évidemment. Aujourd’hui, les salariés sont soumis à un travail intense et les temps de cohésion sociale autour de la machine à café sont souvent délaissés. La société d’aujourd’hui est complexe et plus auto-centrée sur son bonheur personnel.

Le pouvoir du sport permet de se réunir autour d’un challenge en commun. Représenter son entreprise dans une compétition, c’est utiliser la force collective, montrer la solidarité d’une équipe et intensifier l’esprit d’équipe tout en recréant du lien social. Qu’il y ait défaite ou victoire, les compétitions inter-entreprises soudent une équipe. C’est bénéfique pour l’entreprise, car ces personnes travaillent ensemble et, on le sait, une équipe soudée est une équipe qui permet à l’entreprise de grandir et d’évoluer positivement.

Est-ce que le sponsoring, mécénat ou partenariat dans le sport (club, courses, etc.) donne une image positive de l’entreprise ?

L’entreprise qui investit via fondation, mécénat, sponsoring ou partenariat, donne du sens à son investissement. Elle devient alors humaine, elle se personnifie. Dans l’esprit collectif, l’image de marque de l’entreprise est positive. Elle devient alors attractive.

Y a-t-il des sports à favoriser plutôt que d’autres dans le but de développer l’entraide au lieu de la compétition ?

Il n’y a pas de sports plus favorables que d’autres. Le sport, naturellement, va créer une cohésion et une entraide. Le plus important est de prendre le pouls auprès de son équipe afin d’apporter l’offre la plus adaptée à la composition interne de l’entreprise.

Qui est Julian Jappert ?

Julian Jappert dirige le think tank Sport et Citoyenneté depuis sa création en 2007.

Après avoir été juriste/lobbyiste dans le business du sport et expert pour la Commission européenne, il met aujourd’hui ses connaissances au service de la société à travers la conduite des actions du Think tank. Il intervient au sein de plusieurs universités, ONGs et entreprises responsables. Il est régulièrement consulté par des institutions publiques nationales, européennes et internationales et par des organisateurs de grands événements sportifs.

Présentation de Sport et Citoyenneté

Sport et Citoyenneté est le seul Think tank en Europe dont l’objet social est l’analyse des politiques sportives et l’étude de l’impact sociétal du sport.

Indépendant, il s’appuie sur plus de dix années d’expertise et bénéficie d’une reconnaissance des autorités publiques et des parties prenantes du sport européen. Il est ainsi régulièrement consulté par les institutions internationales et européennes, les États Membres, le mouvement sportif et la société civile qui le reconnaissent comme un interlocuteur privilégié dans ce domaine. Il conduit actuellement plusieurs projets européens, dont le projet PACTE de promotion de l’activité physique et le projet FIRE, sur l’inclusion des réfugiés par le Football.

Sport et Citoyenneté produit une réflexion sur les enjeux socio-politiques du sport. L’objectif est de participer au processus de construction des politiques publiques, nationales et européennes, du sport, de la santé, de l’éducation, de la citoyenneté, du développement durable, de l’économie et de la cohésion sociale.

Partager sur